Vaste programme n’est-ce pas ? Quand on choisit un titre pareil, on met d’emblée la barre très haut, surtout pour un public français exigeant en la matière.
 
Alors oui je vais bien, oui je suis heureuse, non je n’ai pas le cafard mais j’ai pourtant un brumeux et curieux vague à l’âme, un trop-plein de je ne sais quoi qui me revient en pleine bobine.
 
Oscar Wilde disait : ‘le cynisme n’est rien d’autre que l’art de voir les choses comme elles sont plutôt que comme elles devraient être’.
 Voilà qui fait de moi un être profondément cynique, mes proches acquiesceront.
 
Passé l’euphorie de la rencontre et la passion des premiers instants, l’excitation retombe et la magie laisse place au commun voir au grotesque des USA. Ce matin, je suis un peu blasée de tous ces artifices : les sourires faux et les filles aux dents trop blanches, les serre-têtes “happy Santa” et les costards trois pièces “Merry Christmas” portés par des gens qui sont peut-être professeur quelque part et à qui sont confiés des enfants, les joggings Adidas pour chien (true story), les 4x4, ces “Awwwwesoooome’ qui saturent l’espace audible public, ces verbiages beaucoup trop hauts qui flirtent avec l’insoutenable, ce gaspillage de nourriture qui me fend le coeur à chaque table de restaurant, et ces gens qui ont perdu le respect d’eux-mêmes au fond d’une bouteille de soda XXl… Jusqu’à cette femme que je viens de voir acheter un frozen yogourt à son chihuahua. Ubuesque.
 Tout manque de pudeur, de retenue, d’élégance et de profondeur.
 
Bref, ne vous y trompez pas, je ne suis pas aigrie. Simplement ce matin j’ai la mélancolie de ma vieille France, l’amour hexagonal qui fait des boum et des bang et qui agite mon coeur blessé, comme un boomerang, me revient des jours passés.
 
Tout aux États-Unis est éphémère et surfait : les produits achetés, les émotions ressenties, les rencontres faites. Tout est AMAZING, AWSOME, UNBELIEVABLE. Simplement quand vous grattez la fine pellicule brillante, ce qui se cache en dessous n’est pas aussi reluisant. Moi les décors factices et l’overdose de paillettes n’ont jamais servi ma faculté à rêver.
 
Voilà les choses telles qu’elles sont : aujourd’hui j’ai  trimballé mon cynisme de quartier en quartier jusqu’à « Old Town », vous savez cet endroit bien nommé des villes qui, quand vous avez un minimum de jugeote vous fait supputer le traquenard à touristes dans lequel vous allez consciemment tomber. Et ce fut le cas.
Accueillie par des Américaines qui n’avaient de traditionnel que la robe mexicaine qui, si j’en crois les coutures, a eu du mal à fermer, je me dirige vers le marché « artisanal ». D’huîtres avec perles véritables, aux lunettes de soleil California Republic, je me dis que l’artisanat américain est conforme à l’idée que je m’en faisais.
 
Pour revenir au commencement, mon parcours avait débuté un peu plus tôt dans la journée par un détour du côté de Little Italie et son farmer market. Petit marché de quartier sympa, hyper branché bobo/coco/veggie/smoothie/horsdeprix, pas pour me déplaire mais, pour autant, j’ai bien conscience de me trouver au beau milieu d’un repère de CSP ++ qui crament leurs paies en graine de chia et aux autres graminées organiques.
 
Suite du parcours : chose étonnante à San Diego, la Old Town est séparée du Downtown par 4km, une 10 voies et un aéroport. Mais ça bien sûr, je ne l’avais pas réalisé avant de me promener 3km durant sur le trottoir bordant la freeway.
Peu importe, cette aventure m’a permis de vivre quelques expériences inédites :
– J’ai fait pipi dans des toilettes sans portes dans le port de San Diego. Un peu en mode YOLO genre, s’il ne vous restait que 10 minutes à vivre qu’est-ce que vous feriez ? Pipi dans des toilettes sans portes, sans hésiter. Crazy life.
– J’ai vécu un décollage d’avion à 500m. Une expérience visuelle, auditive, sensationnelle et olfactive unique. L’aéroport de San Diego a cette particularité de se trouver dans la ville et d’être plutôt accessible. Vous pouvez ainsi marcher sur le trottoir bordant les pistes, uniquement séparé des gros oiseaux par une clôture de barbelé. Je peux vous dire que les décollages m’ont fait un effet boeuf. J’étais à la fois excitée, affolée et bouleversée comme une Américaine au quotidien.
 J’ai également pénétré dans un parking avoisinant et surplombant l’aéroport, enfreignant toutes les interdictions de tourisme visuel dans cette propriété privé, me disant que si par malheur, je me faisais choper, j’expliquerais que je suis française et prendrais mes jambes à mon cou. On a autant d’impertinence dans le sang qu’eux n’en n’ont de sucre.
 
Bref, aujourd’hui, je n’ai pas fait grand chose si ce n’est me régaler de mon cynisme fumant. Une cure de jouvence bienvenue, et indispensable à la survie en terres États-Uniennes.
 
Ps : j’ai quand même bien mangé pour pas cher