« So, you walked until here from your hostel ? Woo »
Et oui brave peuple américain, sache que les jambes ça ne sert pas qu’à monter dans le bus et stocker de la graisse en prévision d’une disette improbable, mais aussi à se déplacer, parfois. Les miennes en tout cas n’ont pas leur mot à dire dans le sort que je leur réserve et battent le pavé à bon rythme jour après jour.

11h30 : je saute dans mes belles baskets et c’est parti pour une vadrouille à travers ville.
Stop obligatoire dans un supermarché histoire de faire le plein de fruits pour la journée, très certainement gorgés de pesticides mais sans gras, sans sucre ajouté et sans viande ! Quand je vois certains hommes dans la rue avec des plus gros boobs que moi, jme dis que les oestrogènes dont ils gavent leurs bestiaux n’y sont peut-être pas pour rien, et l’hypothèse d’un troisième sein qui me pousserait entre les deux yeux me fait m’accrocher plus fort encore à mon paquet de tomates.

Allégée de quelques dollars superflus et de quelques minutes bien inutiles puisqu’il m’en reste approximativement 28 382 400 à vivre, je continue ma route gaillardement, et aperçois sur ma droite un car wash dans lequel une poignée de braves gars astiquent un pick-up pour quelques copecs. C’est fou qu’en 2016, certaines personnes gagnent encore leur vie de cette façon. C’est comme si vous pouviez toujours vous faire cirer les pompes en attendant votre train, ou cirer celles de votre patron en attendant votre promotion.

Mes jambes me conduisent ensuite dans le quartier de South Park où j’ai presque été tentée de boire une kilkenny <- Il y a une blague ici.
Puis de South Park à North Park, il n’y a qu’un pas, et pourtant un monde les sépare : celui des hipsters. Et Ils sont sympas ces hipsters avec leurs petits restos, leurs petites boutiques et leurs petits french boulleuhdogs. Je repère un boui-boui sympa, je m’occtroie une place de choix en terrasse et commence doucement à cuir à l’étouffé dans mon sombre habillement.

Mon smoothie avalé, je reprends la route, dévale un trottoir, passe devant un country club canin. Ho wait, un country club canin ?! Vous connaissez déjà le principe du country club : vous versez une coquette somme d’argent pour avoir le privilège d’accéder à un guetto de riches, où vous pourrez joyeusement vous mélanger avec vos congénères sans craindre l’intrusion d’un inidivu de classe moyenne, avec tout son grotesque et sa maladresse. Tout ça me donne envie de prendre la parole au nom de mes amis les bêtes, et de mes amis les humains : vos chiens s’en tamponnent royalement d’être sur une couverture moisie ou dans un country club pour bébêtes fortunés. Alors remballez vos billets, donnez-en une partie à un sans-abris qui crève la dalle, et utilisez le reste pour vous acheter un peu de sagacité et un poil d’humanité.
C’est comme cette californie qui nous rappelle à longueur de journée via posters et autres prospectus qu’elle souffre d’une sécheresse exceptionnelle, et qui dans le même temps maintient les greens de golf qui tapissent son sol du Nord au Sud dans un niveau de verdoyance prodigieux. Paradoxale Amérique.

Bref, riche de ce type de réflexions, je continue ma route vers Hillcrest le quartier gay. Hillcrest est comme tout les quartiers gay du monde, joyeux, coloré et vivant. Et celui-ci à quelque chose de marrant qu’il arbore en son sein un immense panneau “Jesus is alive”. De quoi en faire perdre son latin à Christinne Boutin.
In homo Veritas !

D’aucuns m’ont dit que, lorsque l’on apprend une langue, il est important de diversifier son vocabulaire. C’est pourquoi j’emprunte à Hillcrest l’un de ses magazines gay un peu hot qu’ils distribuent gratuitement dans la rue histoire d’élargir ma connaissance du champ lexical de la gauloiserie, et ainsi me rabibocher avec Christinne. D’intéressantes lectures en perspective.
Avec ça et le 7ème tome d’Harry Potter en anglais que j’ai téléchargé hier, dans deux semaines je suis capable de vous raconter l’histoire porno d’Harry Potter et la grosse, la très grosse baguette magique…

Un “hi, are you doing ?” me fait sortir de mes songeries erotikomagiques. Certains disent que j’ai la “mauvaise” habitude de regarder les gens dans les yeux, voir de les fixer péniblement, ce qui me vaut aux États-Unis d’établir des contacts assez rapides et ainsi de partager de nombreuses micro-conversations-trottoirs avec ce peuple si bavard.

Pour conclure, ce fut une belle journée, riche de marche et de profondes pensées dans une ville bien accomodante.

Seul point négatif car il en faut toujours un : l’autoroute à 10 voies qui coupe la ville en deux et force les piétons à emprunter ces si jolis et si pittoresques ponts surplombant le fleuve mitsubishi.
Point général positif : pour quelqu’un qui a arrêté de fumer il y a 5 mois, les États-Unis sont un paradis. Personne ne fume, et le seul pauvre gars de la ville qui se risque à allumer sa cigarette, se fait immédiatement retoquer par le vigil du coin, qui l’enjoint gentiment à quitter la chaussée et à aller se faire cuire un oeuf aux enfers.

Ps : on m’arrête souvent dans la rue pour me dire “your shoes are so niice”. Pour une paire de basket achetée 10 balles dans une friperie, j’ai envie de tirer cette conclusion hâtive : le swag est à portée de toutes les bourses.